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Haute-Garonne / Méric, pile et face

On connaît finalement peu le patron du département. L’homme est plutôt discret, voire pudique. Pourtant, il avance … Il place ses pions avec discernement, et s’amuse dans le jeu politique local. Politic Région a tenté de percer le mystère Méric, et de mieux comprendre cet élu qui place parfois l’action publique sur un plan philosophique. Il est à la fois le fils de …, mais se souvient de ses années militantes et du collage d’affiches. Il est à la fois médecin, chef d’entreprise et élu local. Il est à la fois admirateur de Jaurès, Blum et Mitterrand. Il est à la fois fidèle à son PS, mais critique envers François Hollande. Faisons connaissance Monsieur Méric !

 

« Méric père & fils », telle pourrait être l’identité visuelle de la devanture d’une boutique fictive située sur cette terre promise du Lauragais … Car chez les Méric, la politique est bien une affaire de famille. Une culture. Une destinée ? Le père, André, a été une figure du mitterandisme (notamment secrétaire d’état entre 1988 et 1991), tout en ayant jamais cessé d’être le premier défenseur de son territoire (maire de Calmont, conseiller général et sénateur.) Georges a donc choisi de régler son pas sur celui de son père … Ainsi en 1983, il devient l’édile de Nailloux, et en 1988 il entre au Conseil général de la Haute-Garonne. Voici le début d’un itinéraire qui le mènera en 2015 à prendre la suite de Pierre Izard à la tête du département.

 

Un successeur libre avec une colonne vertébrale humaniste

Même ses adversaires politiques en conviennent, « il est humainement plus accessible que Pierre Izard ». Cet élu toulousain s’empresse d’ajouter avec un large sourire, « bon, en même temps il n’y a pas de mal ! » Une allusion à peine voilée à la gouvernance jugée comme « dictatoriale » de l’homme de Villefranche de Lauragais, Pierre Izard. Georges Méric, qui a toujours été fidèle aux idéaux portés par la gauche, n’a jamais caché ses désaccords avec l’ancien homme fort de la Haute-Garonne. Il se confiait d’ailleurs ainsi en 2015, alors qu’il était en pleine campagne : « Nous avons une relation d’hommes de caractère. Mais vous savez, dans ma vie je reste un insoumis. J’adhère, et je respecte le leader politique, mais je ne suis pas pour autant un aligné. Il est donc vrai que ces dernières années nous avons eu des discussions qui ont fait du bruit et qui m’ont valu en retour des coups de règles sur les doigts. Si c’était à refaire, je le referais ! Le principal ennemi d’Izard c’est lui-même … Dans sa relation à l’autre. » Il y avait dans cette sortie, tout ce qu’est « Jojo » (son surnom dans le microcosme politique), un subtile mélange de sérénité et de liberté. « Il n’ était pas question d’être uniquement dans la continuité », nous dit-il aujourd’hui.

 

Entretien entre Saint-Gaudens et Toulouse

Georges Méric a accepté que nous puissions le suivre sur une journée entière. Le temps de saisir ce qui l’anime dans son action … C’est en voiture que nous avons pris le temps de l’interroger, en toute simplicité. L’homme, pourtant peu friand de confidences intimes, se confie sans frein : « Je suis l’héritier d’un mouvement politique humaniste et universaliste, qui démarre avec les philosophes du 18ème … » Le décor est planté, les valeurs dévoilées. Une respiration et l’homme ajoute, le regard porté sur nos montagnes pyrénéennes : « Il est complexe de véhiculer de telles valeurs aujourd’hui, mais c’est essentiel ! Les fondements de notre République sont à défendre, il faut continuer le travail. Avec la mondialisation, nous avons des gagnants et des perdants qui sont toujours répartis géographiquement. Y compris en Haute-Garonne ! Les gagnants sont dans la métropole, les perdants, les refoulés, sont en périphérie et dans les zones rurales … Si on continue à dresser des murs entre ces deux mondes, le populisme continuera à prospérer. Le rôle de mon département est donc de créer des ponts entre tous les territoires, et de traiter tous les citoyens dans l’équité. La République est en danger, et les collectivités doivent savoir prendre leurs responsabilités. » A quelques semaines de l’élection présidentielle, cette parole résonne : « Il y a dans cette France une exaspération, un manque d’espérance … »

 

La République est à la fois laïque, sociale et comme le rajoutait Jaurès, universaliste

 

Ancré dans son terroir, Georges Méric se revendique comme un « porte-parole des territoires oubliés. » Et de mettre en avant les missions premières de sa collectivité : l’action sociale, la solidarité territoriale (« un destin soutenu par le département ») et la culture (« c’est ainsi que nous allons combattre la simplification populiste ».) Liberté, égalité, fraternité. Trois mots qui sont indissociables de la pensée de Georges Méric. Mieux qui symbolisent son combat : « Il faut expliciter la République. Bien faire comprendre que la démocratie n’est pas toute la République … La République est à la fois laïque, sociale et comme le rajoutait Jaurès, universaliste. »

 

« On ne me reconnaît pas dans la rue ? Je m’en fous ! »

Il y a chez l’ancien maire de Nailloux une certaine forme d’humilité. Quand il arrive quelque part, il n’aime pas les mises en scène. Il entre même souvent sur la pointe des pieds … Une signature chez lui. « Vous sentez-vous méconnu par le grand public ? » l’interroge t-on. « Cela m’est égal ! », nous répond-il en ajoutant : « Je vis par moi-même, et je ne suis pas dans la recherche médiatique. Je préfère être dans les dossiers, travailler et animer mon équipe. Les résultats commencent à arriver, et il n’y a que ça qui m’intéresse … » Il y a un slogan bien célèbre, signé Séguéla pour Miterrand, « La force tranquille », qui colle plutôt bien à Georges Méric. L’actualité comme le temps glissent sur lui. L’homme accumule les kilomètres et les réunions, sans jamais donner le sentiment d’être pressé. Quand il est mis en cause par l’hebdomadaire « Marianne », il ne s’affole pas. D’ailleurs parler de son passé d’entrepreneur n’est pas tabou. Bien au contraire, il en fait une force : « J’ai été durant vingt ans médecin, puis durant vingt ans chef d’entreprise. Cela m’amène à être dans la réalité des choses, et à comprendre les attentes du plus grand nombre. Je ne suis pas un apparatchik, je suis un atypique libre ; ce qui m’a souvent posé problème dans la vie politique. Les appareils préfèrent d’ailleurs les élus non libres (rires). Je n’ai jamais dépendu financièrement de la politique, et je ne fais pas de la théorie, je fais de la pratique. »

 

Le temps d’une autre gouvernance, la sienne

Sa garde rapprochée a toujours le sourire. Travailler aux côtés de Georges Méric semble plutôt synonyme de bonne humeur. Son directeur de cabinet (Eric Daguerre), son chef de cabinet (Thomas Chaumeil), son attachée de presse (Cécile Van de Kreeke), le président du groupe majoritaire (Sébastien Vincini) … Tout le monde semble tirer dans le même sens : « J’ai souhaité mettre en place un mode de management participatif, une vraie révolution. Je pense que l’engagement ne se décrète pas, il se crée tous les jours. Dans mon équipe tout le monde est dans le même bateau ! J’ai d’ailleurs toujours dit à mes collaborateurs qu’ils pouvaient me contredire. » Il y a même cette volonté collective de faire du département une vraie machine de guerre politique, qui n’oublie d’ailleurs jamais la base militante socialiste. Il est même fréquent que le président du département s’amuse à organiser en soirée des rencontres avec des sections du PS, le bon moyen de promouvoir en interne l’action de la collectivité : « C’est indispensable, je n’oublie pas ceux grâce à qui je suis là. Il faut toujours garder le contact avec ces militants aujourd’hui désorientés qui soutiennent, malgré les difficultés du moment, notre famille politique avec leur cœur et leurs tripes. Dialoguer avec ces gens dévoués m’apporte beaucoup. » Ce vent nouveau post-Izard ne se fait donc pas sans difficultés, et a parfois du mal à souffler dans le même sens : « Il est toujours difficile de bousculer les habitudes. Avant les gens se protégeaient, mais n’inventaient plus vraiment. Aujourd’hui mon ambition est de libérer les énergies, les volontés … » Comme si l’exégèse d’un passé récent était d’actualité. Comme si le concept initié par un certain Lionel Jospin, le devoir d’inventaire, n’était pas forcément tabou boulevard de la Marquette.

 

L’avenir de l’institution en question, le dialogue avec la métropole

Le département est en danger. François Fillon comme Emmanuel Macron ne sont pas des grands fans de cette collectivité. Ils verraient plutôt d’un bon œil de la supprimer, notamment dans les territoires armés d’une métropole. Georges Méric est bien conscient de l’enjeu, et se pose en ardent défenseur : « J’ai cette volonté de rendre le département indispensable et incontournable. C’est vraiment la collectivité de proximité qui a la capacité d’agir en complémentarité avec les communautés de communes ou d’agglomérations. Le département est l’échelle pertinente ! Il permet l’équilibre des territoires, et le service à la population. » Mais il concède aussi de vives inquiétudes : « Attention la mondialisation c’est aussi la métropolisation. Avec le risque de créer de véritables déserts.» Le dialogue avec la métropole toulousaine, et avec son président Jean-Luc Moudenc, n’est pas toujours évident. Les antagonismes politiques se font souvent ressentir, et les tiraillements sont réels sur certains sujets : « Je pense honnêtement que nous avons eu un dialogue intelligent avec Jean-Luc Moudenc sur la question de la distribution des compétences. Cela a permis de consolider la politique de la ville du côté métropole, et de permettre au département de rester sur ses fondamentaux sociaux. Mais je mets en garde le Capitole sur l’avenir : La métropole sera un élément positif tant qu’elle permettra le partage ! C’est notre locomotive à la condition qu’elle accepte de partager, et qu’elle n’oublie pas les territoires voisins. Je le dis d’ailleurs clairement, jusqu’au bout je n’aurais de cesse de taper du poing sur la table pour éviter les injustices. Les intéressés sont prévenus. »

 

Jusqu’au bout je n’aurais de cesse de taper du poing sur la table pour éviter les injustices

 

Et d’enchaîner sur la fameuse question des transports : « Jean-Luc Moudenc avait gagné les élections municipales avec son projet de troisième ligne de métro, il est donc de la responsabilité du département de respecter la démocratie. On aurait pu avoir un autre choix, plus maillé, plus tramway … C’est ainsi, et c’est Moudenc qui a le manche à Tisséo. Nous jouons donc le jeu en soutenant financièrement la troisième ligne de métro, mais nous imposons le fait que cette ligne ne soit pas intra-muros toulousaine. Qu’elle aille de Colomiers à Labège. Et nous soutenons également l’idée du développement des lignes Linéo, afin d’irriguer au mieux le territoire. Nous ne cesserons pas de dialoguer, de proposer. » L’aéroport ? Là-aussi Georges Méric a le cuir bien épais : « C’est un outil qui doit rester un bien commun. Je ne suis pas anti-chinois, mais je ne souhaite pas d’évolutions délirantes pour ce pilier de la grande agglo toulousaine.»

 

L’opposition : entre respect et rectitude

Le président du département s’y était engagé. Il conduit donc sa collectivité en traitant ses opposants avec davantage de respect que par le passé version Izard. Pourtant, certaines voix commencent à s’élever. L’un des membres de l’opposition départementale, Serban Iclanzan (LR), avait confié il y a quelques semaines à Politic Région certaines réserves : «  Il a fallu attendre deux ans avant que nous soyons associés au travail sur l’attribution des subventions aux associations. C’est une bonne chose de l’être désormais, mais il est dommageable d’avoir autant attendu … Cela en dit beaucoup sur certaines pratiques.» Georges Méric nous explicite ses relations avec son opposition : « Je réagis ou pas vis-à-vis de l’opposition en fonction de son attitude. Quand elle a une attitude constructive, je suis constructif … Quand elle a une attitude agressive, je m’impose. »

 

La vie privée est-elle encore possible ?

« Joker ! », rétorque l’intéressé avec pudeur. Mais on ressent l’envie de se préserver un jardin secret : « Je n’accepte pas tout ce qui est proposé par mon staff, et pourtant j’ai des récriminations de ma tendre épouse (rires). » Georges Méric sait prendre du recul, et avoue s’enrichir intellectuellement et spirituellement en permanence. Il lit beaucoup. Il a même une bibliothèque impressionnante dans son Lauragais. Le politique s’efface donc souvent au profit de l’homme Méric. Un homme qui sait s’élever et oublier son quotidien dans les couloirs de l’hôtel du département. Cette citation de Gandhi lui correspond bien : « Vis comme si tu devais mourir demain … Apprends comme si tu devais vivre toujours. » Comme si la politique n’était pas une fin en soi. Et l’avenir ? Certains imaginaient Georges Méric ne faire qu’un mandat. Pas certain que l’intéressé partage ce doux rêve. A suivre.

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